mercredi 30 juillet 2008

はなす(話す) hanasu parler

 Ce qui me paraît vraiment extravagant dans l'histoire de la seconde moitié du 19e siècle est que le Grand Empire du Japon a presque réussi à faire croire sa fausse histoire idéologique aux Occidentaux: Le Japon existe depuis la nuit des temps. En réalité, le Japon est un nouveau venu par rapport à la Chine, et même à la Corée. Au moment de la rencontre des Japonais avec la culture chinoise d'à peu près il y a deux mille ans, la civilisation japonaise sans lettres était à peine naissante. La langue japonaise n'avait pas de vocabulaire varié, et c'était une langue plutôt simple. La connaissance de la Chine fut fatale pour le japonais. Il a complètement arrêté sa propre évolution, car on en avait plus besoin, vu que l'emprunt de la langue chinoise l'emportait bien sur la création de nouveaux mots japonais désormais. Ainsi, les mots élémentaires restent non différenciés, privés d'évolution en puissance.
 L'exemple parlant est le mot hanasu, verbe qui veut dire "parler" (la forme montrée dans le dictionnaire est l'indicatif, comme le latin et le grec). Phonétiquement, ce mot en trois syllabes veut dire également "lâcher" et "écarter". Mais les Japonais ne sont généralement guère conscients de cette homonymie, car ils utilisent les caractères chinois respectifs qui déterminent les sens spécifiques du mot. A l'origine, le mot hanasu montrait une notion ambiguë qui signifiait l'action d'éloigner quelque chose, mais l'emprunt des caractères chinois a rendu possible la spécification du sens. Pour le verbe parler, les Japonais écrivent 話す, mais ils utilisent d'autres kanji pour "lâcher" et "écarter": 放す et 離す. On pourrait dire que les Japonais ne sont pas friands de la discussion, puisqu'ils ne veulent pas lâcher leurs biens.
 D'ailleurs, un autre mot qui concerne la communication verbale possède un sens négatif, dont les Japonais ne sont pas forcément conscients pour la même raison. Le verbe kataru veut dire "raconter", quand il est écrit 語る (la partie gauche 言 montre que ce caractère appartient à la catégorie concernant la parole). Mais si on utilise un autre caractère 騙る, cela veut dire "escroquer". J'ai tendance à croire que les Japonais trouvent ou ont trouvé des côtés plus ou moins maléfiques dans la parole. (En français, le mot parler a la même origine que le diable.)
 On peut trouver cet élément kataru dans le mot monogatari, qui veut dire à peu près les "choses racontées". Il y a beaucoup de monogatari dans la littérature moyenâgeuse: Isé monogatari, Genji monogatari, Heiké monogatari. Le premier conte de l'histoire de la littérature japonaise est intitulée Takétori monotagari, qui parle de la princesse de la lune Kaguya.

vendredi 18 juillet 2008

びじゅつかん(美術館) bijutsukan

 Il y a deux sortes de musées au Japon. L'un est bijutsukan et l'autre hakubutsukan. Si on l'écrit en caractères chinois, le mot bijutsukan donne 美術館. Le mot bijutsu (美術) veut dire les Beaux-Arts, et le caractère kan (館) l'hôtel. Donc, le mot bijutsukan signifie à la lettre l'hôtel des Beaux-Arts. (Il faut que vous fassiez attention: Si l'élément kan veut dire l'hôtel, c'est seulement quand il fait partie d'un mot composé. Il n'y a pas de mot japonais kan qui veuille dire l'hôtel.)
 C'est le bijutsukan de ma "préfecture" d'Aomori.

 L'exposition du grand Napoléon est prévue pour le mois d'août.


 En revanche, le mot hakubutsukan est appliqué à tous les autres musées dont l'intérêt principal n'est pas forcément les Beaux-Arts. Ainsi, le Louvre est-il un bijutsukan et le British Museum un hakubutsukan. Le critère est assez flou, et on choisit l'un des deux mots assez arbitrairement, me semble-t-il.
 Le mot hakubutsu est ambigu, qui veut dire à la fois l'histoire naturelle et l'exposition. Un museum est bien un hakubutsukan, mais les grands bâtiments publics qui exposent les objets rares sont tous des hakubutsukan.
 Ce mot est écrit en kanji comme ceci: 博物館. Le dernier caractère kan est toujours l'hôtel. Si le deuxième kanji veut dire simplement "les choses", c'est le premier caractère qui cause l'ambiguïté. Il signifie "répandre", donc s'il porte un sens actif, c'est un hôtel pour "répandre les choses", mais s'il est passif, l'institution gère "les choses répandues", voire les choses universelles, qui sont sujettes aux études des sciences naturelles.
 Le mot pour les Beaux-Arts bijutsu (美術) est composé de deux caractères qui signifient respectivement "beauté" et "technique, art". En japonais, la beauté est bi. Les gens de Tôkyô ont tendance à prononcer bijitsukan au lieu de bijutsukan. Ainsi, la prononciation des Tokyoïtes n'est pas forcément correcte, même si le japonais standard a été forgé plus ou moins artificiellement sur le modèle du japonais de la région de Tôkyô.

mardi 15 juillet 2008

そうめん(素麺) sômen

 Le sômen est une nouille japonaise, qui peut être servi ou chaud ou froid en principe, mais il est plutôt considéré comme un plat d'été. La nouille est faite de farine de blé et la pâte est très fine et particulièrement blanche.

 Le soba est une nouille de sarrasin en revanche. Le zarusoba est particulièrement apprécié en été. Le mot zaru veut dire la corbeille, qui fait penser que le plat était auparavant servi sur ce récipient. Maintenant, il est présenté sur une sorte de claie de jonc ou de bambou (parfois en plastique...), souvent accompagné des algues séchées nori. On peut rencontrer tout de même le zarusoba servi sur le zaru.
 Le soba, s'il est servi chaud, est consommé pendant toute l'année, différemment du sômen dont l'image est liée à l'été. Il y a des restaurants populaires appelés sobaya, qui ne sont généralement pas spécialisés à ces nouilles. L'appellation signifie que cette nourriture est très appréciée par les Japonais. À mon avis, on mange plus souvent le sômen chez soi, que le soba qu'on consomme dans les restaurants.
 Les kanji utilisés pour écrire le mot sômen sont trompeurs. Il est composé de deux caractères chinois 素 (simple) et 麺 (nouille). Mais le premier kanji est un emprunt phonétique, qui ne garde pas son propre sens. A l'origine, ce mot aurait dû être écrit comme 索麺. L'idéogramme qui remplace 素 veut dire "corder". Le sens de ce mot n'est donc pas les nouilles simples, mais les nouilles étirées à la main (comme si on fabriquait les cordes). Peut-être a-t-on choisi le kanji qui signifiait "simple" pour une nuance de la fraîcheur.
 La lecture du mot 索麺 devrait être sakumen, altérée en saümen (さうめん) par la chute de la voyelle u après le k, et la transformation en voyelle de la consonne k en passant par la sonorisation en g: sakumen, *sakmen, *sagmen, saümen. Et puis, saümen change en sômen (そうめん). On a dû choisir l'autre kanji à ce stade. L'accent circonflexe signifie que la voyelle possède une longueur double. On prononce so-o-mè-n.
 L'autre nouille préférée des Japonais, râmen (ラーメン), est un plat chinois japonisé. Auparavant, le mot shinasoba (しなそば), soba de Chine, était utilisé pour le râmen, mais on l'entend de moins en moins fréquemment, car certains pensent que le mot shina (Chine) n'est pas politiquement correct au Japon après la Deuxième Guerre mondiale. À mon avis, si ce mot shina peut être senti comme un mot raciste envers les Chinois au Japon, il est assez ridicule de bannir cet élément des mots composés. (En japonais, le ch est prononcé comme le tch du mot tchèque. Le ch français ressemble plutôt au sh japonais dans la transcription Hepburn qu'on adopte conventionnellement pour l'écriture du japonais en lettres latines.)
 Il y a des gens qui disent que le shinasoba n'est pas la même chose que le râmen, prétendant que la soupe est différemment faite. Je ne sais donner de jugement là-dessus.