mercredi 19 novembre 2008

様(さま) sama

 On trouve souvent la description qui dit que le mot japonais さま sama (ou plutôt un suffixe dans ce cas) correspond aux mots français comme Monsieur, Madame et Mademoiselle. Mais alors, comment doit-on comprendre ces expressions?

    お疲れさま。(おつかれさま) o-tsukaré-sama (Tsukaré: fatigue)
    ご苦労さま。(ごくろうさま) go-kurô-sama (kurô: peine)
    お気の毒さま。(おきのどくさま) o-kinodoku-sama (kinodoku: pitié)

  Ces phrases veulent dire respectivement (à peu près) "Vous devez être fatigué", "Merci d'avoir pris la peine (Merci de votre service)", "Je suis désolé pour vous". Otsukarésama ("Vous devez être fatigué") peut être utilisé pour dire au revoir dans certaines occasions. Vous pouvez dire gokurôsama au facteur ou au coursier par exemple.
 Le mot (suffixe) さん -san est une forme altérée et familière de sama, et on peut substituer sama à san dans ces expressions. (Logiquement, on devrait transcrire sam plutôt que san, mais personne ne le fait, car les Japonais se foutent complètement de l'étymologie pour la transcription alphabétique. D'ailleurs, on peut dire la même chose pour la réforme d'écriture après la Deuxième Guerre mondiale. Vous devez au moins savoir que le hiragana ん porte plusieurs valeurs phonétiques: n, m, ng... Vous pouvez les prononcer presque indifféremment, et les Japonais entendent toujours la même chose si la consonne n'est pas suivie de voyelle.)
 Le Grand Dictionnaire de la langue japonaise de Shôgakukan dit tout simplement que l'emploi de sama avec le nom de personne montre le respect, et les exemples o-nom-sama ou go-nom-sama la politesse. Moi, je pense plutôt que ce suffixe montre certaines affections envers l'interlocuteur. (La règle générale veut qu'on ajoute le préfixe o- avant le mot d'origine japonaise, et go- avant le mot d'origine chinoise, mais il y a des exceptions.)
 La faute que les Français commettent très souvent est causée par la définition qui dit que ce mot sama (ou san) correspond aux "titres". Mon nom de famille est Fukui, mais je ne peux jamais dire 私はふくいさんです (watashi-wa fukui-san-desu), car ce suffixe est destiné à l'interlocuteur. Je ne peux montrer le respect envers moi-même.

 Le mot sama, qui n'est pas utilisé comme le suffixe, veut dire proprement "apparence, port". L'expression さまになる (sama-ni naru) veut dire "avoir du style (passable)".

    きみの習字はなかなかさまになっているよ。(kimi-no shûji-wa nakanaka sama-ni nat-té-iru-yo)
    Ta calligraphie est beaucoup meilleure que ce que j'imaginais (ou ce que tu disais)!

 (L'adverbe nakanaka veut dire "contrairement à l'attente négative". Vous ne devez pas dire あなたの料理はなかなかおいしい [Votre cuisine est assez délicieuse] sans contexte. Si l'interlocuteur vous a déjà dit qu'il n'était pas bon cuisinier, vous pouvez le dire.)
 Le mot ざま zama est une autre forme de sama qui signifie l'apparence, mais sa nuance est mauvaise. ざまあみろ zamâ miro
(est-ce l'altération de "zama-o miro"?) signifie "Regarde ce que tu
es!", mais on peut le traduire "T'as eu ce que tu mérites!". Ce n'est
pas un gros mot proprement dit, mais presque. 何だ、そのざまは nan-da sono zama-wa! "Qu'est-ce que c'est que cet état!" La traduction que je propose est "tu es vraiment pitoyable".

 死にざま shinizama signifie "façon de mourir", mais la nuance est forcément mauvaise.

三島の死にざまはひどいものだった。Mishima-no shinizama-wa hidoï mono-dat-ta.

La façon de mourir de Mishima était horrible.


 Certains utilisent 生きざま ikizama "manière de vivre" dans le sens positif, mais les puristes trouvent cette utilisation très fâcheuse.

 Le suffixe ちゃん -chan qu'on ajoute au nom est une autre forme altérée de sama, beaucoup plus familière que -san. L'emploi s'avère délicat, donc il vaut mieux que vous vous abtsiniez à l'utiliser. Il y a même un professeur qui a été licencié pour l'utilisation déplacée de -chan, considérée comme le harcèlement sexuel envers des étudiantes. (Ce n'était pas la seule raison mais...) Il n'est pas seulement utilisé pour les filles et les enfants, mais on peut dire おじいちゃん (ojiichan, papy) ou おじちゃん (ojichan, tonton) par exemple. Vous ne devez pas le dire en principe, à moins que vous ne connaissiez bien la personne. (C'est assez rare, mais on peut rencontrer ちゃま chama. L'emploi est désormais une plaisanterie plus ou moins péjorative. Par exemple, le premier ministre Asô Tarô est qualifié de お坊ちゃま obottchama, enfant bourgeois qui ne connaît rien de la vie. Mais quel âge a-t-il?...)
 Peut-être que ce mot garde approximativement l'ancienne prononciation, car on suppose que la consonne s était ts au Moyen Age. On peut entendre le fils de paysan prononcer おとっつぁん (otottsan) pour dire おとうさん (otôsan) seulement dans le jidaïgéki (drame de l'époque, de cape et d'épée à la japonaise ou série policière avec samouraïs). おとうちゃん (otôchan, papa) et おかあちゃん (okâchan, maman) sont toujours utilisés par les Japonais moyens. En tout cas, vous n'aurez sans doute pas l'occasion d'utiliser ces appellations familières.

 Un autre suffixe qu'on doit utiliser seulement pour les garçons est くん -kun. L'emploi correct veut que vous ajoutiez -kun au nom d'un garçon qui n'est pas plus âgé que vous. Et en plus, c'est une appellation de camaraderie entre les garçons. Mais FUKUZAWA Yukichi (1835-1901), le penseur japonais qui a défini la modernité japonaise et le fondateur de l'Université de Keiô, a commencé l'utilisation générale de ce suffixe, également pour les filles. (Le kanji pour -kun est 君, mais personnellement, j'écris toujours ce suffixe avec hiragana.)
  Maintenant on ne sait plus comment utiliser ce mot correctement. Si on respectait bien la grammaire, une femme ne devrait pas appeler un garçon avec -kun, mais avec -san. Mais cette règle est complètement oubliée. L'exception est probablement les filles très bourgeoises qui n'ont pas l'habitude d'appeler le nom de garçon avec -kun. Mais si vous êtes fille francophone qui parle japonais, je pense que vous pouvez toujours appeler les garçons japonais avec -san, sans imiter les Japonaises modernes.
 Pour le nom de fille, il n'y a pratiquement que les professeurs de Keiô qui ajoutent -kun au lieu de -san, mais le Parlement adopte le modèle de Fukuzawa je ne sais pourquoi. Les gens qui détestent cette camaraderie à la Fukuzawa n'utilisent jamais -kun. J'en connais quelques-uns.

 Le suffixe 殿(どの) -dono est utilisé par l'administration. Bien que le mot veuille dire seigneur (tono) à l'origine, beaucoup de gens y voient la condescendance administrative. Pas mal de mairies et de préfectures mettent désormais sama au lieu de -dono sur le papier et le courrier.

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